jeudi 5 juillet 2018

Le Fa dièse aigu

Suite à ma découverte de l'interprétation de la Fantaisie n°10 de Telemann par Stefan Temmingh et de ma réconciliation avec les aigus, j'ai eu envie de jouer cette Fantaisie.

J'ai donc désincarcéré sorti la partition de sa boîte et j'ai attaqué allègrement le début du premier mouvement "a tempo giusto". Ça se passait à merveille et je trouvais que ça sonnait plutôt bien (j'avais pris la 415 pour être justement moins agressive dans les aigus)......... jusqu'à ce que je me casse le nez le bec sur un Fa dièse aigu.

J'ai toujours lâchement zappé cette note, qui n'est pas du tout naturelle sur la flûte à bec. À l'époque baroque, je pense que personne n'aurait eu l'idée d'écrire un Fa # aigu pour la flûte à bec à moins d'être particulièrement sournois et malveillant. Mais comme ces Fantaisies ont été écrites pour la flûte traversière, puis transcrites pour la flûte à bec, on se retrouve avec des notes injouables délicates à jouer.

Le Fa # aigu se joue donc avec le doigté du Sol aigu qui est déjà en double fourche. Un doigté en fourche à la flûte à bec est un doigté avec un "trou" dans le bouchage des doigts, c'est à dire qu'au lieu de boucher trois trous consécutifs, on laisse ouvert celui du milieu. En soi ce n'est pas si compliqué, mais ça peut parfois être délicat à enchaîner avec d'autres notes. C'est d'ailleurs une des difficultés de la flûte à bec (avec l'articulation) puisqu'on n'a pas assez de trous ni de clés pour jouer toutes les notes : on s'en sort avec des combinaisons de doigts parfois acrobatiques. La prof de violon de ma fille m'avait dit une fois qu'elle avait commencé la flûte à bec étant jeune mais qu'elle avait arrêté à cause des doigtés : "c'est trop difficile". Ça m'avait bien fait plaisir d'entendre ça de la bouche d'une professionnelle du violon qui n'est pas réputé pour être un instrument facile (mais pas à cause des doigtés). 


Pour en revenir au Sol aigu, on a donc une fourche avec la main gauche ET une fourche avec la main droite, avec en plus le demi-trou du bas (les deux derniers trous sur une flûte à bec baroque sont doubles, ce qui sert en général à jouer les dièses : Fa grave = tous les trous sont bouchés, Fa # grave = on débouche un des deux de la paire du bas). On a l'habitude de dire "demi-trou" alors que c'est en fait un trou complet de la paire. Peut-être cela date-t-il de la Renaissance, où il n'y avait pas de doubles trous et où on devait boucher la moitié du trou unique, ce qui était encore moins pratique.

Pour jouer le Fa# aigu, en vertu d'un phénomène acoustique que je ne maîtrise pas du tout, il faut en plus boucher l'orifice inférieur de la flûte (le pavillon), bien évidemment pas avec les doigts car il nous faudrait une troisième main (qui pourrait se trouver au bout du troisième bras dont rêvent toutes les mamans). On utilise donc la cuisse ou le gras du mollet quand on joue assis.

On utilise la même technique pour le La et le Si bémol aigus (3ème octave), qu'il est encore plus rare de trouver sur une partition.

J'ai donc pris mon courage (et ma flûte) à deux mains et j'ai tenté l'aventure : ça ne s'est, ma foi, pas si mal passé. Il me reste maintenant à l'enchaîner entre le Sol médium et le Ré dièse médium, mais j'ai tout mon temps, c'est les vacances (musicales seulement) (j'ai aussi un peu de travail prescrit mais on peut varier les plaisirs).

Vous pouvez visionner la chose "en vrai" sur la vidéo ci-dessous. Le fameux Fa# est à 1:59 (il y en a deux autres dans le presto - argh 😨).



Si vous voulez en savoir un peu plus concernant ces Fantaisies pour flûte à bec, Sarah Jeffery de Team Recorder leur a consacré une vidéo. C'est en anglais mais même si vous n'êtes pas fluent, elle est assez facile à comprendre car elle est anglaise et articule très bien. D'une manière générale, j'aime beaucoup ses vidéos qui sont pleines de conseils et d'astuces bien utiles pour la pratique quotidienne. La Fantaisie n°10 est à 7:27.

11 commentaires:

  1. Bien clairement expliqué, merci Léone, ça demande un peu d'entraînement pour la fluidité du geste mais pour ma part le Fa# aigu sort plus facilement que le Fa aigu ;)

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    1. Oui c'est vrai, c'est le doigté du sol et c'est plus facile. Le Fa aigu est vraiment la note la plus difficile à la flûte à bec, et en plus c'est différent sur chaque instrument : élément à tester impérativement avant achat ! À part jouer un ou deux trucs, j'aime bien tester les sauts d'octaves et le passage Fa grave - Fa aigu est un bon critère de choix !

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  2. Bonjour,
    Une question intéressante pour le Fa# aigu est: jouez-vous assis ou debout? Debout, c'est plus sportif. Voir la vidéo de Kristine West dans la sonate de Bach BWV 1034 à 2'19'':
    https://www.youtube.com/watch?v=d8-AS134XdU

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  3. Assise jusqu'à présent, mais la version debout se présentera peut-être un jour...

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  4. Petite correction : sur la vidéo à 2' 19'', Kristine West ne fait pas un fa# mais un Si. C'est plus loin dans le dernier mouvement qu'elle fait d'abord un FA# aigu sans boucher le pavillon mais en utilisant un doigté alternatif qui ne marche qu'en liaison avec un Mi aigu. Le connaissez-vous ? (C'est à 13'18'').
    Elle fait ensuite un enchainement Sol Fa# Sol (à 13' 28'') avec la cuisse. Quelle virtuosité ! Une de mes flûtistes préférées !
    Toujours sur https://www.youtube.com/watch?v=d8-AS134XdU

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  5. Il me semble effectivement avoir utilisé ce doigté alternatif pour des trilles sur le printemps de Vivaldi, sans garantie. Je n'ai absolument rien d'une virtuose !

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  6. je cherche un tableau des trilles avec la flute soprane

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  7. je cherche un tableau des doigtés de trilles avec la flûte soprane

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  8. merci je m’arrachais mes derniers cheveux sur cette note et sur le doigté que j'avais, ce n'était pas stipulé qu'il fallait bouché le cul de la flute.

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