dimanche 17 février 2019

Blokfluitdagen 2018 - Jour 2 - Le concert

Ces deux journées intenses se terminent déjà,  mais il nous reste quand même encore à assister au concert de l'ensemble B-Five, In search of Dowland.

L'ensemble B-Five est un consort de flûtes à bec germano-belge composé de cinq flûtistes : Thomas List, Silja-Maria Schütt, Katelijne Lanneau,  Mina Voet et Markus Bartholomé. Katelijne Lanneau est d'ailleurs, me semble-t-il, originaire de Malines.

Malines, 25 août 2018

Le répertoire de B-Five est essentiellement relatif à la Renaissance tardive - joué sur des copies d'instruments du XVIe siècle - avec des passerelles vers des compositions contemporaines. J'ai beaucoup aimé leur concert, très vivant, créatif avec une théâtralité pleine de surprises. J'aime bien en général quand les musiciens ne sont pas statiques mais se déplacent dans la salle, et que la musique ne vient pas seulement de la scène, mais de partout à la fois.

Ce programme était donc construit autour de la musique de John Dowland. Là je vais faire ma feignante et je vais m'inspirer largement de la plaquette du festival, ce qui aura par ailleurs l'avantage de me faire pratiquer mon néerlandais.

John Dowland (1563-1626) est né dans l'Angleterre d'Elizabeth I, un âge d'or caractérisé par la prospérité économique et culturelle. Il est étonnant que ce musicien, le plus influent de l'époque élisabéthaine, se soit présenté sans succès à plusieurs reprises au poste convoité de luthiste de la reine. Ce n'est qu'après la mort d'Elizabeth qu'il obtint ce poste, et il est possible que son caractère mélancolique provienne de l'amertume qui en résultait. Cette mélancolie, devenue un mode de vie dans le Londres de Shakespeare, transparaît dans la chanson la plus célèbre de Dowland, Flow my Tears :

Coulez mes larmes, jaillissez de vos sources ! 
Exilé à jamais : laissez-moi me plaindre ; 
Là où l'oiseau noir de la nuit chante sa triste infamie, 
Laissez-moi vivre dans la solitude.

En voici une interprétation par deux membres de l'ensemble Voices of Music (que nous avons déjà écouté ici) :



Sur la base de cette chanson, Dowland a composé sept "pavanes passionnées" : Lachrimae, or Seven Teares, écrites à l'origine pour instruments à cordes (luth, viole de gambe, violon). Il était alors luthiste à la cour de Christian IV de Danemark. Ces danses sont comme un concentré de tristesse, chaque pavane présentant un type de larmes différent : larmes des amants, larmes de deuil, larmes sincères... Dowland complète ces compositions passionnées par un certain nombre de danses rythmiques à la mélodie prenante. Cet ensemble de danses est la seule musique de consort que Dowland nous ait laissé.

Dans l'Angleterre des Tudors, la flûte à bec était l'un des instruments les plus appréciés et les plus joués (dommage que ça ait changé), particulièrement à la cour d'Henri VIII qui, comme nous l'avons déjà évoqué ici, était lui-même un flûtiste à bec émérite. 

Nous avons donc pu entendre une Dowland-Suite écrite pour B-Five par le compositeur suisse Carl Rütti, dans laquelle il "raconte" la vie de Dowland, dans une combinaison colorée d'ancien et de nouveau où la polyphonie de l'âge d'or et les sons contemporains se fondent en un tout harmonieux.

Écoutons The Earle of Essex Galliard qui nous en donne un bon aperçu :


Et voici l'une des sept fameuses pavanes, Lachrimae gementes (les larmes du deuil) :




La version "originale" par Jordi Savall et Hesperion XXI (ça faisait longtemps) :



Jacob van Eyck (1590-1657) (qui mérite un article) a écrit des variations sur le thème des pavanes Lachrymae de Dowland, interprétées ici par le flûtiste québéquois Vincent Lauzer  :


Nous arrivons donc au bout de cette copieuse série d'articles, en attendant (avec impatience en ce qui me concerne) l'édition 2019 qui sera celle du trentième anniversaire des Blokfluitdagen :


dimanche 10 février 2019

Telemann en canon

J'ai presque fini ma série de comptes rendus du Festival de Malines 2018 (il me reste encore le concert du deuxième jour), et il va maintenant me falloir trouver d'autres sources d'inspiration. J'ai donc pensé vous parler de temps en temps des pièces que je travaille en cours.

Je dispose comme vous le savez d'un certain nombre de flûtes à bec, dont plusieurs altos que j'utilise en fonction de la situation.

Mon alto en plastique est  toujours à proximité du pupitre sur lequel traînent mes partitions en cours, ce qui me permet lorsque je n'ai pas trop de temps de jouer quelques minutes sans forcément l'avoir prévu, puisque je n'ai pas besoin de la faire chauffer. Parfois, je commence à travailler avec en attendant que sa ou ses camarades aient atteint la bonne température.



J'utilise la Bernolin en résine pour l'orchestre, parce qu'elle a un son clair et puissant et qu'on l'entend mieux parmi les autres instruments.

L'Aesthé est quant à elle réservée à mon cours ou en petit ensemble de musique de chambre, ce qui est malheureusement peu fréquent par les temps qui courent. Ma prof m'accompagne au piano, qui est électronique et que l'on peut régler en son "clavecin" ce qui est quand même plus sympa avec la flûte à bec.

Mais du coup, comme dans mon petit conservatoire communal il n'y a pas de section musique ancienne, ni aucun autre élève susceptible d'en jouer, je n'avais plus du tout l'occasion d'utiliser mon alto 415Hz que j'aime et que j'adore. J'ai demandé à ma prof si on pouvait régler le piano en 415Hz, mais on n'a pas trouvé comment. Du coup elle m'a proposé de me ramener des pièces pour deux altos et de jouer la seconde voix avec sa propre flûte, ce que je me suis empressée d'accepter !

Elle a commencé par m'apporter la sonate en canon n°2 de Telemann, où j'ai pu jouer la première voix et elle la seconde, en l'occurrence les deux sont exactement les mêmes sauf que la seconde démarre une mesure après la première, et du coup joue une mesure de moins puisque ça ne se fait pas de ne pas terminer en même temps.

Mais revenons sur le titre de la pièce, sonate en canon n°2 : qu'est-ce qu'une sonate, qu'est-ce qu'un canon ? Je sais que ces termes sont parfaitement familiers à un certain nombre d'entre vous, mais pas à tous et c'est donc l'occasion de revenir à quelques fondamentaux.

J'en profite pour souligner - bien que cela puisse paraître évident - que je ne suis ni historienne, ni musicologue, et que tout ce que j'écris ici est un mix entre mes connaissances et expériences personnelles en tant que musicienne très amateure, et les informations que je peux trouver en particulier sur internet, dont la fiabilité est incertaine puisque chacun peut y écrire à peu près ce qu'il veut (la preuve ici même). Chaque article me demande donc beaucoup de temps (d'autant plus que je ne mesure généralement pas à l'avance jusqu'où cela va m'emmener), car je ne fais jamais de copier-coller.

Pour écrire une biographie de compositeur par exemple, même de quelques lignes, je croise plusieurs sources et je fais une synthèse qui n'a aucune prétention d'exhaustivité mais a plutôt pour but d'être une petite introduction la plus digeste possible, libre à vous ensuite d'aller compléter vos connaissances ailleurs si le cœur vous en dit. Lorsque je poste deux ou trois vidéos pour présenter plusieurs interprétations d'une même pièce, j'en ai généralement visionné beaucoup plus et le choix n'a pas toujours été facile et reste tout à fait subjectif.


La sonate est une forme musicale apparue vers la fin du XVIe siècle. Elle est purement instrumentale et s'oppose en cela à la cantate, qui est chantée. Elle s'impose vraiment à l'époque de Corelli, et va progressivement évincer la suite (qui est une alternance de danses écrites dans la même tonalité mais de tempi ou de caractères variés).

La sonate baroque est composée de plusieurs mouvements écrits dans la même tonalité (par exemple ici en Fa majeur), généralement trois ou quatre, alternant un mouvement rapide avec un mouvement lent.  Elle est écrite pour un nombre limité d'instruments, généralement un ou deux avec une basse continue. Celle-ci commence par un premier mouvement plutôt allant, sans indication de tempo. Les tempi sur une partition baroque ne sont pas chiffrés, mais suggérés par un type de mouvement : un allegro sera plutôt rapide, un  largo plutôt lent, mais cela est laissé à l'appréciation de l'interprète et il s'agit plus d'une indication de caractère que de vitesse. Ce premier mouvement est suivi d'un larghetto, plutôt lent donc, puis d'un allegro assai, plus rapide (assai veut dire très).

Le canon est un procédé d'écriture où deux ou plusieurs voix jouent exactement la même chose (à l'unisson ou décalées d'un intervalle, généralement octave ou quinte), mais où chaque voix démarre après la précédente, par exemple une mesure après comme dans celle dont je vous parle ici (Frère Jacques est un canon bien connu). Par contre, tout le monde s'arrête en même temps, ce qui fait que seule la première voix joue ou chante la pièce complète.


Ici nous avons donc un décalage d'une mesure :


On peut voir à la fin de la partition qu'il y a deux points d'orgue (le point d'orgue est le petit point surmonté d'une parenthèse horizontale, qui indique que l'on doit prolonger la note et non en jouer strictement la valeur écrite) : un sur le fa aigu final qui sera joué uniquement par la première flûte (celle qui a commencé à jouer en premier), et un sur le fa medium qui est sur le premier temps de la mesure précédente. La seconde flûte jouera donc ce point d'orgue pendant que la première jouera la note finale, et elles s'arrêteront en même temps. Bien sûr, lorsque la première flûte est passée sur le fa médium, elle a joué une croche et pas le point d'orgue qui n'est écrit que pour la deuxième flûte.



Voici la meilleure interprétation que j'aie trouvée (il n'y en a pas des tonnes), avec deux violoncelles. Le jeu de recouvrement des deux voix fait que parfois on les entend vraiment bien se répondre en écho,  parfois on entend une voix beaucoup plus que l'autre, et parfois lorsqu'il y a un changement de caractère au cours du morceau, la deuxième voix a l'air de ne pas réagir tout de suite, et puis vient encourager tardivement la première. Je vous laisse écouter :


Je vous mets une interprétation à la flûte à bec, non parce qu'elle me plaît mais justement parce c'est le même interprète qui joue les deux voix, assemblées grâce à un montage, et que du coup ça n'a aucun charme car elles sont toutes les deux strictement identiques. On voit donc que l'intérêt du canon ne consiste pas en une imitation exacte, c'est beaucoup plus intéressant quand chaque voix apporte sa propre expressivité, comme un vrai dialogue. Je vous laisse juger par vous-même :



Écoutons pour finir le canon le plus célèbre sans doute, le fameux Canon en Ré de Johann Pachelbel (1653-1706), compositeur et organiste allemand de la période baroque, écrit à l'origine vers 1700 pour trois violons et une basse continue, mais qui a connu par la suite de multiples arrangements pour les instruments les plus variés.

Voici l'interprétation qu'en fait l'ensemble Voices of Music (la tête de la positiviste me disait bien quelque chose : il s'agit effectivement de la flûtiste à bec Hanneke van Proosdij) :


Et une autre purement flûtes à bec avec cet ensemble taïwanais :

jeudi 7 février 2019

Blokfluitdagen 2018 - Jour 2 - Session 4

Pour cette dernière session de ces deux intenses journées, j'ai cédé à mes penchants naturels en optant pour Turlough O'Carolan (dont je vous ai déjà parlé ici et ici). 

Nous avons enchaîné trois pièces, et je dois dire que la fatigue commençait à se faire sentir pour tout le monde et que le résultat était un peu moins au point que lors des sessions précédentes. J'étais pour ma part placée entre deux charmantes flûtistes néerlandophones, toutes les trois à l'alto, et nous avions apparemment chacune une conception différente des rythmes à jouer. Nous nous sommes cependant toujours retrouvées sur les dernières notes 😉

La première des pièces est en fait une suite de trois airs, Three Airs for Bridget Cruise. Je ne me rappelle pas si nous avons joué les trois, mais je ne pense pas et en plus je n'en ai pas vraiment de souvenir. 

Ces pièces sont surtout interprétées à la harpe celtique et je n'ai pas pu trouver de version flûte à bec. Voici par contre une vidéo qui vous changera un peu du néerlandais (tenez bon pendant les 39 premières secondes). Nous y apprenons que Toirdhealbhach Ó Cearbhalláin est né (en 1670) près de Nobber dans le Comté de Meath (à environ 70 km au nord-ouest de Dublin), où se tient tous les ans le O'Carolan Harp Festival, et qu'il a composé ces airs pour la jeune Bridget Cruise dont il était amoureux.



En voici une autre interprétation, avec de la flûte traversière pour nous rapprocher un peu de notre instrument de prédilection (Trio con Spirito) :



Souvent considéré comme le dernier barde irlandais, O'Carolan, aveugle depuis l'âge de 18 ans à cause de la variole, a commencé sa vie de barde et de compositeur à l'âge de 21 ans (il était apparemment plus doué comme compositeur que comme harpiste). Il a ensuite parcouru l'Irlande pour composer de la musique et divertir ses "clients". Il s'est marié à 50 ans et a eu sept enfants. Plus de 200 de ses compositions ont survécu. O'Carolan est mort en 1738 chez sa mécène Mrs McDermott, à Alderford dans le Comté de Roscommon, et ses restes reposent maintenant non loin de là dans l'abbaye de Kilronan. Il était déjà très connu à l'époque de sa mort et sa veillée funèbre a duré quatre jours.


La deuxième pièce que nous avons jouée était Rights of Man. Vous n'en aurez qu'une version, celle des Witches (qui méritent toujours un article, ça viendra, ça viendra) :




Les Witches

Lorsque Turlough avait 14 ans, son père trouva un emploi auprès de la famille McDermott à Ballyfarnon, où les Ó Cearbhalláin emménagèrent. Mrs McDermott apprécia le garçon et veilla à ce qu'il fût éduqué. Comme il semblait avoir un certain talent pour la musique et la poésie, elle lui fit prendre des leçons de harpe. Vers l'âge de 21 ans, elle lui offrit une harpe, un cheval, un guide et l’argent lui permettant de se lancer dans la carrière de harpiste itinérant et de jouer pour ses clients dans toute l’Irlande. 

Son premier patron lui suggéra de s’essayer à la composition. Grâce à ses encouragements, Turlough commença effectivement à composer des mélodies pour la plupart de ses clients. Quant à sa personnalité, il paraît qu'il était enjoué et sociable, qu'il aimait les histoires drôles et qu’il était un excellent joueur de backgammon. Comme beaucoup de harpistes de son époque, il buvait beaucoup, ce qui le mettait de mauvaise humeur. Un médecin lui conseilla un jour d'arrêter de boire pendant un certain temps, mais Turlough se sentait plutôt pire. Il trouva un autre médecin qui lui donna le conseil opposé, suite à quoi son humeur redevint immédiatement "vivante et gaie".

La troisième pièce s'intitule Carolan's Air, aussi connue sous le titre de Carolan's Welcome. Contrairement à la précédente, il est très facile d'en trouver des interprétations diverses et variées, le choix n'a donc pas été facile. Comme d'habitude, je vous en fais écouter suffisamment pour qu'elle vous reste bien dans la tête 😜

Par le Pacific Arts Trio, flûte (traversière), harpe et violoncelle (cliquez sur le lien "Rendez-vous sur YouTube pour visionner cette vidéo") :



Par le polyinstrumentiste néerlandais Ernst Stolz (gambiste, pianiste, flûtiste à bec, violon, accordéon...) :



Une version très différente, par le fameux groupe irlandais de musique traditionnelle The Chieftains :



Et enfin celle de La Folía Barroca, avec à la flûte à bec l'argentin Marcelo Milchberg, que je découvre avec plaisir :



Cette dernière session était animée par Aline Hopchet, concertiste et professeure de flûte à bec et d'autres instruments à vent à Woluwe-Saint-Lambert à côté de Bruxelles et à Lokeren à côté de Gand. N'hésitez pas à l'écouter sur les vidéos présentées sur son site.

dimanche 3 février 2019

Blokfluitdagen 2018 - Jour 2 -Session 3

Ce qui est vraiment bien avec ce festival, c'est qu'on peut expérimenter des musiques qu'on n'a pas forcément l'occasion de jouer en temps normal. C'est parfois tentant de choisir des compositeurs que l'on connaît et que l'on aime, mais le plaisir de la découverte est aussi bien agréable. Comme il y a quatre sessions par jour, et jusqu'à trois jours si on veut, on peut se débrouiller pour faire les deux 😃

Pour cette avant-dernière session d'ensemble, j'ai choisi de découvrir la musique klezmer, que je connais très peu même si j'en ai déjà joué une pièce à l'orchestre (Odessa Bulgarish).

Cette session était intitulée Klezmer & More et basée sur le recueil de partitions éponyme qui contient 20 pièces. Je ne sais pas si c'est la musique klezmer ou l'animateur de la session, Jeroen van Lexmond, qui attirait tant de monde mais la salle n'arrêtait pas de se remplir, tant et si bien qu'il a fallu pousser les meubles et suivre à trois par pupitre ! Cette affluence n'a pas empêché Jeroen de mener la session à un train d'enfer : à peine une pièce tenait-elle à peu près la route qu'il passait à la suivante, et on a réussi en 1h15 environ (la session dure 1h30 mais le temps que tout le monde réussisse à s'installer, ça a bien dû prendre 1/4 d'heure) à déchiffrer et mettre en place 11 pièces sur les 20, ce qui fait moins de 7 minutes par pièce. C'était sympa d'en voir plein, mais un peu frustrant (et épuisant) quand même de les oublier à peine jouées...

Je vais essayer de vous faire un petit topo sur la musique klezmer, mais j'ai un peu de mal car je n'y connais moi-même pas grand-chose, et les différentes sources internet sont plutôt contradictoires... je tente quand même une petite synthèse des informations les plus consensuelles.

Source : Paloma Valeva
La musique klezmer est celle que les saltimbanques juifs ashkénazes jouaient de fête en fête dans toute l’Europe centrale et de l’est, aussi bien dans les cours des califes que dans celles des rois chrétiens, depuis le XIIIe siècle jusqu’aux persécutions nazies et staliniennes du XXe siècle. Elle s’est enrichie au contact de musiciens slaves, tziganes, grecs, turcs (ottomans) et plus tard du jazz avec la vague d'immigration juive aux États-Unis au début du XXe siècle. La tradition klezmer en Europe a été ensuite en grande partie démantelée par la Shoah.

C’était un répertoire essentiellement instrumental, jusqu’au XVIe siècle où s’y sont ajoutées des paroles. À cette époque, afin de pouvoir continuer à jouer malgré les restrictions imposées par les institutions religieuses et civiles, les musiciens professionnels juifs collaborent avec des musiciens non juifs, induisant un brassage des cultures en particulier avec les tsiganes tout en conservant à la musique klezmer son essence propre.

Le mot klezmer vient de l'association des mots hébreux klei (instrument) et zemer (chant, mélodie). À l'origine, le mot klezmer (pluriel : klezmorim) désignait donc les instruments. On a ensuite également appelé les interprètes les klezmorim. Du fait des conditions de vie précaires de ces musiciens itinérants, ainsi que de leur mode de vie souvent peu observant des règles de vie juives, ce mot avait acquis une connotation plutôt péjorative.

Aux XVIIe et XVIIIe siècles, les ensembles klezmers étaient essentiellement composés d’un luth ou d’un petit ensemble d’instruments à cordes (violons, viole de gambe, violoncelle), et aussi parfois d’un cymbalum (cithare sur table) et d’une flûte (ah quand même). Les percussions étaient souvent réduites à un simple tambour (tshekal) ou une grosse caisse (puk ou baraban). Vers la deuxième moitié du XIXe siècle, les ensembles klezmers commencèrent à intégrer des instruments à vent, clarinette puis cuivres et accordéon à boutons. On peut aujourd'hui y trouver un peu de tout (sauf apparemment des flûtes à bec si j'en crois mes recherches de vidéos infructueuses).

Je ne sais plus vraiment quelles pièces nous avons jouées parmi les 20, mis à part certaines qui sont bien connues comme Hevenu shalom alejchem ou Tumbalalaïka. Pour info, ce site propose en téléchargement gratuit ces deux partitions (SATB(*)).

Je ne vais pas vous laisser complètement sur votre faim, voici donc ce que j'ai pu trouver pour ces deux pièces.

D'abord  Hevenu shalom alejchem (nous vous apportons la paix), avec de la flûte à bec (beaucoup) :



Et sans flûte à bec, mais avec plus de klezmer dedans (la musique commence à 0:42):



Tumbalalaïka (dont je connaissais la mélodie pour l'avoir chantée en chorale), chanson du folklore juif ashkénaze russe, chantée en yiddish de génération en génération :


(L'affiche en arrière-plan est écrite en turc et on peut y lire quelque chose comme : "Attention ! Vouloir chanter pendant le règne a été interdit par la police". Je ne pourrai malheureusement pas vous en dire plus, n'ayant aucune connaissance du contexte).

Un jeune homme est debout, debout et il réfléchit 
Il réfléchit et réfléchit toute la nuit : 
Qui choisir et ne pas offenser ? 
Qui choisir et ne pas offenser ? 

 Résonne bala, résonne bala, résonne balalaïka, 
 Résonne bala, résonne bala, résonne balalaïka 
Résonne balalaïka, joue balalaïka, 
Résonne balalaïka, sois joyeuse ! 

Jeune fille, jeune fille, puis-je te demander ? 
Qu'est-ce qui peut grandir, grandir sans pluie ? 
Qu'est-ce qui peut brûler, brûler sans cesse ? 
Qu'est-ce qui peut pleurer, pleurer sans larme ? 

 Stupide jeune homme, que demandes-tu ? 
Une pierre peut grandir, grandir sans pluie.
L'amour peut brûler, brûler sans cesse.
Un cœur peut pleurer, pleurer sans larmes.


Cette session était donc animée par Jeroen van Lexmond, professeur de flûte à bec quelque part à l'est des Pays-Bas. J'ai vraiment beaucoup aimé son enthousiasme et sa capacité à diriger sans faillir cet ensemble d'une bonne vingtaine de flûtistes pendant plus d'une heure.

Vous pouvez voir et entendre Jeroen ici :


(la musique qu'on entend au début de la vidéo me rappelle furieusement quelque chose et en plus j'ai la désagréable impression que je devrais la reconnaître... si quelqu'un peut éclairer ma lanterne...)


(*) SATB = Soprano, Alto, Ténor et Basse