vendredi 13 juillet 2018

Séquence nostalgie

J'ai eu envie de réécouter Les Indes Galantes de Jean-Philippe Rameau, et cela m'a transportée une bonne dizaine d'années en arrière. J'ai commencé l'apprentissage de la flûte à bec avec l'alto en 2006, et j'ai ajouté l'année suivante la soprano. J'aurais pensé me mélanger les doigts et les neurones entre les deux, mais finalement ce n'est pas si compliqué, ce sont les mêmes doigtés, mais qui produisent des notes différentes : une quinte au-dessus à la soprano, donc le doigté du Fa à l'alto donne un Do à la soprano. Une fois ce concept assimilé, il y a un système de bascule mentale qui se fait automatiquement quand on change de flûte, et pour ma part mes doigts choisissent les bons doigtés en fonction de la taille de la flûte qu'ils tiennent : si elle est grande, les doigtés d'alto, si elle est petite, les doigtés de soprano. Il y a juste un petit bug avec la ténor, comme elle est grande, j'ai tendance à jouer les doigtés d'alto (et ceux de soprano à la sopranino mais je m'en sers rarement).

Toujours est-il qu'à l'audition de fin de cette 2ème année de flûte à bec et de 1ère année de soprano, j'ai joué l'Air pour les Esclaves Africains, extrait des Indes Galantes de Jean-Philippe Rameau, et que j'ai adoré le faire !

Jean-Philippe Rameau (1683-1764) est un compositeur français et théoricien de la musique. Son père était organiste à Dijon, et il paraît que le petit Jean-Philippe connaissait le solfège avant de savoir lire et écrire. Il est célèbre (sans parler de sa musique elle-même) pour ses traités d'harmonie qui font toujours référence aujourd'hui en ce qui concerne l'harmonie classique, et pour son hostilité à l'influence de la musique italienne qui donnera lieu à la fameuse Querelle des Bouffons qui l'opposera en particulier à Jean-Jacques Rousseau. 
Une autre querelle l'avait déjà opposé à Lully suite à la parution d'Hippolyte et Aricie, ou en tous cas avait dressé les "lullistes" contre les "ramistes", les premiers étant scandalisés par les excès de la musique de Rameau, trop riche et trop "envahissante" par rapport à la tradition de la tragédie lyrique initiée par Lully. L'enregistrement complet d'Hippolyte et Aricie par le Concert d'Astrée en 2012 est ici.

Les Indes Galantes est un opéra-ballet créé en 1735, qui répond à l’engouement du public de l’époque pour l’exotisme, « turqueries » et « perseries ». Le livret n’a pas de cohérence particulière, et sert surtout de prétexte à la danse et au spectacle. Il enchaîne quatre « intrigues galantes » qui emportent le spectateur « sur les rivages des Indes », c'est-à-dire tour à tour en Turquie, au Pérou, en Perse et en Amérique.

Je n'ai malheureusement pas trouvé d'enregistrement de l'Air pour les Esclaves Africains à la flûte à bec, ni d'ailleurs d'aucun autre extrait des Indes Galantes, à part des vidéos d'amateurs dont je vous ferai grâce (sans aucun mépris de ma part, je trouve déjà très courageux de s'enregistrer, moi-même j'en suis incapable).

Pour coller un peu au sujet qui nous rassemble ici, je vais d'abord vous faire écouter une jolie découverte : Le Rappel des Oiseaux joué à deux flûtes à bec. Il s'agit à l'origine d'une pièce pour clavecin issue d'un recueil paru en 1724. C'est la première "pièce de caractère" de Rameau : il ne s'agit pas d'une danse mais d'une pièce plutôt descriptive et imitative, et vous allez entendre que c'est très bien réussi ! Je ne connaissais pas ces deux flûtistes, Aik Shin Tan et Martin Bernstein, mais ça me donne envie d'en écouter davantage.


Je m'éloigne (à regret) de mon instrument de prédilection pour vous faire entendre un petit peu de ces fameuses Indes Galantes, quand même, et en premier lieu cet Air pour les Esclaves Africains. Attention, cette musique reste vraiment, vraiment dans la tête...

Une interprétation sur un tempo plutôt très vif par l'Orchestra of the 18th Century dirigé par Frans Brüggen (oui, lui-même, malheureusement il ne joue pas de flûte à bec ici). Je préfère moi-même jouer cet air plus lentement, certains passages m'évoquant vraiment ces esclaves traînant leurs chaînes. Ici, ils ont l'air plutôt guillerets et contents de leur sort !




Vous n'échapperez pas à un petit Jordi Savall, cette interprétation correspond déjà un peu plus à ma vision des choses :



Une petite turquerie, pour rester dans le thème :


Je vous mets celle-ci aussi par l'ensemble Il Giardino d'Amore, rien que pour la joie et l'enthousiasme de leur interprétation (ça doit être la version où les esclaves sont libérés). Même la chanteuse est à fond alors qu'elle ne chante pas sur ce passage !


C'est bon, vous l'avez bien dans la tête ? Allez, une petite dernière pour être sûrs, au piano cette fois :


Je termine par un autre grand "tube", peut-être plus connu encore, de ces Indes Galantes, toujours par Il Giardino d'Amore, avec un ballet cette fois (on aimerait bien voir en vrai comment c'était au temps de Rameau, mais à défaut...) : la Danse du Grand Calumet de la Paix, plus connu sous le nom de Air pour les Sauvages.

4 commentaires:

  1. J'aime beaucoup Rameau, les Indes galantes et autres mais je n'ai jamais rien joué de lui ni entendu jouer à la flûte à bec. Ravie donc d'entendre le Rappel des oiseaux par ces deux jeunes talents, à suivre certainement !
    L'avant dernière vidéo : non disponible ... cela m'arrive de plus en plus souvent de recevoir ce message :(

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    1. Ah, je vais regarder pour la vidéo. Oui c'est un problème de toutes façons l'inclusion de vidéos, qui souvent ne résiste pas à l'épreuve du temps...

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  2. Wilfried Spontex16 juillet 2018 à 22:53

    Merci Léone pour cet excellent article :)

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