mardi 28 août 2018

Blokfluitdagen 2018 - Jour 1 - Tutti

Attaquons donc la super série de l'été (finissant) avec le premier jour du festival, vendredi 24 août, et la première session d'ensemble qui regroupait dès 9 heures du matin tous les inscrits du jour.

Le premier challenge était déjà de décider quelle flûte jouer. Je n'avais emporté pour cette première fois que deux altos (la Boudreau et la Bernolin) et une soprano, malheureusement en plastique car ma soprano en bois est désaccordée et il faut que je la renvoie à Marie Hulsens pour révision. J'ai tout de même choisi la soprano car un coup d’œil à la partition alto m'avait dévoilé une série de notes très au-dessus de la portée, de celles qu'il faut jouer en bouchant le trou du bas et je n'étais pas sûre de pouvoir le faire en premier déchiffrage et au tempo. On ne découvre les partitions qu'au dernier moment, hormis une version "soprano light" qui nous avait été envoyée quelques jours auparavant. Pour un début, j'ai choisi la facilité et cette version light, qui comportait déjà pas mal de contretemps (et le contretemps n'est pas mon ami).

"Le calme avant la tempête"
(photo : page FB de Blokfluitdagen)

Comme on peut le voir sur la photo ci-dessus, avant que nous arrivions les partitions sont déjà posées sur les chaises avec un carton de couleur permettant d'identifier la taille de flûte.

La pièce choisie était une œuvre contemporaine de Glen Shannon, "Suspicion".

Glen Shannon est un compositeur américain né en 1966. Il a découvert la flûte à bec en third grade (l'équivalent du CE2), pour laquelle il a montré des aptitudes naturelles. Il n'a cependant appris que plusieurs années après qu'il existait d'autres tailles de flûte que la soprano...  Il a commencé à composer à l'âge de 12 ans en imitant le style de Jean-Sébastien Bach dont il avait appris un certain nombre d'œuvres par cœur. Il a ensuite évolué vers un style plus personnel.


Une explication de la pièce en détail est disponible ici. Elle est écrite au départ pour 7 flûtes à bec : sopranino, soprano, alto, ténor, basse, grande basse, contrebasse. On peut bien sûr en ajouter mais Glen Shannon recommande de garder une seule sopranino (ça suffit largement !).

En voici une interprétation par un ensemble plus grand que 7 flûtes à bec, mais beaucoup plus petit que le nôtre !


Un tout petit bout de notre prestation est écoutable en vidéo sur la page FB de Blokfluitdagen (et je ne vous dirai pas où je suis !).

La direction est assurée par l'un des organisateurs du festival, Tom Beets, à l'énergie et à l'enthousiasme débordants. Il a aussi beaucoup d'humour mais malheureusement cette année, l'essentiel de ses plaisanteries m'a échappé...
Tom Beets est l'un des membres du Flanders Recorder Quartet, qui a malheureusement décidé de se dissoudre fin 2018.

lundi 27 août 2018

Blokfluitdagen 2018

Il y a quelques mois, j'appris grâce à une camarade de forum, flûtiste à bec, l'existence d'un festival annuel de flûte à bec à Malines en Belgique. J'ignorais totalement que cette merveille pût exister et, comble de bonheur, les dates coïncidaient avec la fin de mes vacances. Je me suis donc inscrite illico. J'en reviens juste... et c'était complètement génialissime.


Je vous fais dans cet article une présentation générale, et je détaillerai par la suite (super, j'ai mon inspiration pour une année entière !).

Malines - Mechelen
Ce festival : Blokfluitdagen (Les Journées de la Flûte à Bec) a donc lieu tous les ans depuis 29 ans le dernier week-end d'août, à Mechelen (Malines) en Belgique flamande. Malines est à environ 20 minutes de train de Bruxelles, qui est à 1 h 20 de Paris par le Thalys (quand on ne le rate pas, mais ceci est une autre histoire). Il dure trois jours et pour la modique somme de 60€ par jour pour une inscription avant le 30 avril (75€ après cette date), on a droit à 5 sessions de jeu d'ensemble de 75 minutes chacune, le repas de fin de journée (avec option végétarienne possible) et l'entrée gratuite au concert du soir, qui donne l'occasion d'écouter des ensembles fabuleux (sauf le dimanche où la journée se termine à 18h mais est aussi moins chère). On peut aussi participer à des ateliers sur des thèmes précis (qui remplacent alors deux sessions d'ensemble) et même à des master-classes. Cette année, il y avait 33 profs de flûte à bec pour assurer toutes ces sessions et ateliers ! Il y aussi des activités pour le luth et la viole de gambe, et depuis cette année la nickelharpa, qui se déroulent dans un lieu proche mais séparé.

Tout ceci se déroule essentiellement en néerlandais, mais pas de panique si vous êtes comme moi francophone. Le flûtiste à bec étant un être foncièrement sociable et sympathique, il y a toujours moyen de se faire dépanner. Je précisais au début de chaque session que je ne parlais que français ou anglais, ensuite d'une part l'intervenant traduisait les choses essentielles dans l'une ou l'autre langue, et d'autre part mes voisins (des voisines, en fait) m'assistaient tout au long de la séance. D'ailleurs, au bout de deux jours, je commençais à comprendre certaines choses par moi-même (drie maten rust !). Le côté frustrant est quand même que tous ces joyeux drilles passent leur temps à plaisanter et à rigoler et que j'ai malheureusement zappé l'essentiel de toutes ces bonnes blagues (mais pas toujours !). J'étais en outre accompagnée par mon amie de forum, qui en plus de m'héberger, m'a bien aidée à me familiariser à ce nouvel environnement.

Tutti - 2ème jour
Une journée-type commence donc à 9 heures par un jeu d'ensemble réunissant TOUS les participants, ce qui est quand même plutôt impressionnant.

De 10 heures 45 à midi, première session. Il y a trois niveaux (inférieur, moyen et supérieur) et pour les deux derniers, il y a plusieurs sessions proposées, avec différents styles de musique.
Le choix est parfois difficile ! 

Pause-déjeuner de midi à 13h30, ce qui permet à la faveur d'un pique-nique de découvrir la jolie ville ancienne et très flamande de Malines.

L'après-midi, encore trois sessions au choix : 13h30-14h45, 15h15-16h30, 17h-18h15. Autant dire qu'on finit la journée avec la tête comme une pastèque. J'ai personnellement déchiffré en deux jours plus de morceaux qu'en une année entière !

Repas vers 18h30, puis concert à 20 heures. Cette année nous avons pu entendre les excellents ensembles Odyssee et B-five.

Le samedi, il y a aussi quelques stands de marchands de flûtes à bec et de partitions. On peut aussi trouver des partitions et des cédés d'occasion, vendus au profit de l'organisation du festival.

Cette rencontre avec plus d'une centaine de flûtistes à bec était magique. Il existe donc un pays (au moins !) où l'on ne vous prend pas pour un collégien attardé qui fait joujou avec un bout de plastique troué, et ça, ça fait vraiment du bien !


La rétrospective complète :

Jour 1 - Tutti
Jour 1 - Session 1
Jour 1 - Session 2
Jour 1 - Session 3
Jour 1 - Session 4 #1
Jour 1 - Session 4 #2
Jour 1 - Le concert

Jour 2 - Tutti
Jour 2 - Session 1
Jour 2 - Session 2
Jour 2 - Session 3
Jour 2 - Session 4
Jour 2 - Le concert

mardi 14 août 2018

Revue de cédés (with recorder inside) - (2)

Je continue donc la présentation commencée ici.

4. Music for a While, improvisations on Henry Purcell (L'Arpeggiata)

C'est la plus grosse surprise du lot. Je pensais naïvement acquérir de l'archi-connu, une grosse valeur sûre. Pas du tout. Je ne connaissais pas l'ensemble l'Arpeggiata de Christina Pluhar, sinon j'aurais pu me douter qu'il y avait anguille sous roche, encore que le sous-titre "improvisations on Henry Purcell" et la mention de la présence d'un clarinettiste m'aient un peu mis la puce à l'oreille ("electric guitar" était caché sous l'étiquette). Mais Philippe Jaroussky, quand même.

Pour briser le suspense : le propos ici est d'explorer la musique de Purcell en mode impro jazz. J'étais très méfiante avant l'écoute, n'étant grande amatrice ni de jazz, ni de clarinette, et au final je suis plutôt très agréablement surprise.

L'Arpeggiata conserve la basse obstinée (ostinato) de Purcell comme ligne conductrice et comme base d'improvisation, avec des instruments anciens comme le théorbe, le cornet à bouquin, le violon baroque et la flûte à bec, mais aussi en guest star la clarinette de Gianluigi Trovesi. Sur certaines pièces, on reconnaît très bien en fil conducteur la mélodie d'origine, sur d'autres moins mais tout cela est très agréable à entendre. Pour citer Christina Pluhar, "[...] nous avions à cœur de souligner la modernité extraordinaire de la musique de Purcell en maintenant un mouvement constant entre les siècles dans les harmonies et les styles des improvisations." "Les lignes de basse et les mélodies composées par Purcell demeurent intactes, mais le style improvisé des instruments change soudain de siècle. Nos auditeurs se trouvent dans une salle de musique intemporelle."

J'ai choisi "One Charming Night", où l'on peut entendre les deux flûtistes à bec sur le même morceau. Il s'agit de Julien Martin et Marine Sablonnière.




Je sais que j'avais dit un extrait par cédé, mais là je ne résiste pas, c'est trop beau. La chanteuse est la soprano Raquel Andueza.

O let me weep (The Plaint)




5. Llibre Vermell de Montserrat (Jordi Savall - Hespérion XX)

Bon là pour le coup on est vraiment dans de l'archi-connu et j'en avais déjà parlé ici. Mais comme je ne peux plus remettre la main sur mon cédé de l'ensemble Obsidienne...

Llibre Vermell, Jordi Savall,... je n'ai pas grand chose de nouveau à en dire. Le Livre Vermeil est un manuscrit recouvert de velours rouge (pourquoi la jaquette du cédé est-elle verte ? ça me semble relever d'un esprit de contradiction particulièrement per...vert), datant d'environ 1400, retrouvé au Monastère de Montserrat en Catalogne espagnole, lieu de pélerinage marial. Ce recueil était une manière de fournir aux pèlerins des chants plus acceptables en ce lieu que l'excessive truculence des chants populaires ordinaires.


Comme je le disais précédemment, je ne sais pas quel genre de flûtes sont jouées, mais s'agissant de musique médiévale il y a de grandes chance qu'il s'agisse de flûtes à bec, je ne pense pas que le terme "flûte" ait été utilisé s'il s'agissait d'un instrument à anche comme le chalumeau. De toutes façons il faut tendre l'oreille pour les entendre...

Mon préféré est toujours Mariam Matrem Virginem, mais comme je vous l'ai déjà infligé (et par Jordi Savall en plus), on va changer un peu avec Cuncti Simus Concanentes : Ave Maria. Comme c'est une réédition d'un enregistrement d'Hespérion XX, la chanteuse soliste est Montserrat Figueras, l'épouse à la voix sublime de Jordi Savall, décédée en 2011.




Revue de cédés (with recorder inside) - (1)

Non non non, je n'ai pas complètement délaissé ce blog, j'étais juste un peu en panne d'inspiration. Il faut dire aussi que quand on travaille et que l'on n'est chez soi que quelques heures par jour, il faut faire des choix entre ses différents centres d'intérêt et ce ne sont pas toujours les mêmes qui gagnent.

Étant en vacances (bien méritées) (et très attendues) depuis hier, j'en ai profité pour aller traînasser au rayon musique ancienne d'un célèbre libraire/disquaire qui vend aussi de l'occasion (j'ai beau aller travailler à Paris tous les jours, je trouve peu l'envie d'aller faire les magasins, me dépêchant plutôt de regagner mon domicile afin de ne pas écourter mes soirées outre mesure). En vrai le magasin c'est Gibert Joseph, c'est pas grave si on fait de la pub, si ? Donc là j'avais du temps, et je suis ressortie avec trois cédés d'occasion et deux en promo, tout ça pour le prix d'un neuf (il m'a fallu faire de douloureux choix, sinon j'aurais embarqué - entre autres - tout le rayon Jordi Savall), tous issus du rayon musique ancienne. Leur minuscule bout d'étagère "flûte à bec" est scandaleusement pathétique.

Du coup j'y vois l'occasion (ah ah) de remédier au fameux manque d'inspiration sus-cité en vous présentant mes acquisitions, (trop) rapidement mais chacune d'elles pourrait faire l'objet d'au moins un article pour présenter l'oeuvre, l'ensemble et les interprètes, les différents compositeurs,... Quatre sur les cinq contiennent de la flûte à bec et le cinquième de la flûte, mais ce n'est pas précisé laquelle (peut-être aussi à bec si ça se trouve). Vous aurez droit à un extrait par cédé.

1. Gipsy Baroque (Il Suonar Parlante Orchestra)

Chez Gibert Joseph, ils changent régulièrement d'emplacement leur rayon musique classique (la musique ancienne est rangée avec la musique classique, je sais, c'est plus commode). Après leur dernier déménagement, c'était devenu assez difficile de s'y retrouver et ce rayon s'était considérablement réduit, mais là j'ai trouvé qu'il avait repris du poil de la bête. Ils ont eu la bonne idée de ranger ensemble tous les cédés du label Alpha-Classics dont le catalogue est une mine de découvertes géniales (on y trouve les Musiciens de Saint-Julien, les Witches, l'ensemble Aromates, le Poème Harmonique,...).

Le cédé Gipsy Baroque présente des arrangements de musiques traditionnelles tziganes utilisées parfois "directement" à partir d'un simple thème mélodique, mais aussi de pièces de Telemann, Vivaldi et Tartini qui s'étaient eux-mêmes inspirés de ce répertoire.

Je ne connaissais pas l'ensemble Il Suonar Parlante Orchestra, et je découvre avec stupeur que la flûtiste à bec est Dorothée Oberlinger, une de mes interprètes préférées.

Tout le cédé est vraiment très intéressant, mais puisque nous sommes sur un blog "flûte à bec", je vais vous faire écouter un titre avec de la flûte à bec solo. Il s'agit d'une danse "Saltus Pollonicus and Hungaricus" : "danse polonaise et danse hongroise", pièce anonyme conservée dans un manuscrit slovaque et arrangée par Vittorio Ghielmi, le gambiste qui dirige l'ensemble, et Stanislav Palùch (violoniste).




2. Rococo - Musique à Sanssouci  (Dorothée Oberlinger)

Avant de me rendre compte qu'elle participait également à Gipsy Baroque, j'ai été ravie de trouver un cédé de la brillante Dorothée Oberlinger, cette fois avec son Ensemble 1700.

Le titre de l’album fait référence à la musique jouée au Palais d'été « Sanssouci » du roi Frédéric II de Prusse (dit Frédéric le Grand) au XVIIIe siècle, palais à l'architecture de style rococo situé à Postdam et érigé entre 1745 et 1747. Frédéric II était lui-même un flûtiste talentueux.

Il s'agit donc ici de musique allemande de la fin de la période baroque et de "l'automne de la flûte à bec" avec des compositeurs comme Quantz, Carl Philip Emanuel Bach ou d'autres moins tardifs comme Haendel ou Finger, et de moins connus (de moi-même en tous cas) comme Baron, Graun ou Schultze. Effectivement sur certaines pièces, on sent bien qu'on est à l'orée de la période classique avec parfois une bascule permanente entre deux styles, comme dans l'extrait que j'ai choisi : l'allegro du concerto a 5 en Sib majeur de Johann (Christian ou Christoph) Schultze (1733-1813), compositeur allemand duquel on sait peu de choses.




3. Viva Napoli (Doulce Mémoire)

Doulce Mémoire sous la direction de Denis Raisin-Dadre est l'un de mes ensembles chouchous, découvert au Festival de Musique Sacrée de Perpignan je ne sais plus quelle année, avec leur concert "Laudes", tellement beau que cela mérite un futur article.

Il s'agit ici de "vilanelles" (canzoni villanesche), chansons napolitaines populaires de la Renaissance écrites en dialecte napolitain. Naples était alors, à la moitié du XVIème siècle, une des capitales les plus florissantes d'Europe, sous la domination espagnole de Charles Quint. La vilanelle, qui s'oppose au madrigal par sa "rusticité agressive", est aussi un outil d'affirmation de l'identité du peuple napolitain en protestant contre la domination espagnole.

Un certain nombre de chansons de l'album ont été composées par Orlando di Lasso (ou Roland de Lassus), alors au début de sa carrière et en provenance d'Europe du Nord.

Quatre flûtistes à bec jouent sur ce cédé : Denis Raisin-Dadre, Jean-Paul Boury, Elsa Frank et Jérémie Papasergio.

J'ai choisi la seule chanson purement instrumentale du cédé : "Bizzaria d'Amore, Furioso" de Cesare Negri (1602), compositeur, danseur et chorégraphe italien :



Comme je n'ai pas encore eu le temps d'écouter les deux derniers, je vous donne rendez-vous très prochainement pour la suite !