vendredi 22 mars 2019

C'est le Printemps !

(pour information, j'avais commencé à écrire cet article bien avant notre exécution publique qui a eu lieu mercredi dernier : le jour du printemps !)

Je viens d'intégrer un ensemble de musique de chambre au sein de mon petit conservatoire communal, avec un premier morceau : le très célèbre Printemps des Quatre Saisons de Vivaldi.

Bon, il ne s'agit pas d'un ensemble baroque et le clavecin est un piano, mais mes nouveaux collègues (un pianiste donc, deux violonistes et un violoncelliste) sont d'un très bon niveau (tous en 3ème cycle) et tout ça est bien sympathique, même si... la prof de violon qui nous écrit les voix, et qui est aussi la chef de l'orchestre du mardi, ne connaît toujours pas mon instrument... et que je me retrouve avec une partition en mi majeur avec quatre dièses à la clé, ce qui fait beaucoup pour une flûte à bec (surtout la mienne).


J'ai du coup quelques passages avec des doigtés un peu délicats à enchaîner ou des trilles injouables (comme celui du mi avec le fa# aigu, oui, celui-là !). Cela nécessite l'emploi de quelques doigtés alternatifs : en fonction des notes à enchaîner, on change un peu la position des doigts, ce qui rend la note un peu moins juste, mais comme il s'agit généralement de passages rapides, ça ne s'entend pas.


Le trille est un ornement musical qui consiste à jouer alternativement et très vite deux notes conjointes (qui se suivent immédiatement sur la portée). En musique baroque, on commence par la note du haut (qui n'est pas écrite), ici donc le fa #.


Il y a beaucoup de trilles et de notes répétées dans ma partie, car je suis censée interpréter des chants d'oiseaux, mis à part à la fin où je reprends vraiment le thème.


Je ne vais peut-être pas passer des heures à vous faire une bio d'Antonio, dont vous connaissez déjà certainement au moins les grandes lignes, et sur qui vous pourrez trouver une multitude d'infos sur le net. Rappelons simplement que le prêtre roux (1678-1741), était prêtre, et roux,  et italien, et virtuose du violon. Je vous recommande d'ailleurs la lecture des Violons du Roi de Jean Diwo, qui n'est pas consacré spécialement à Vivaldi mais où il y fait une belle apparition, et où l'on se rend bien compte de ce qu'est un génie de la composition : on a l'impression que la musique naît toute seule dans sa tête et qu'il n'a plus qu'à la recopier.

Je vais vous parler assez brièvement également des Quatre Saisons, que vous avez forcément déjà entendues à moins d'être arrivé récemment d'une autre galaxie.

Le quattro stagioni ont été composées vers 1720, et sont constituées de 4 concertos (j'aurais bien écrit concerti, mais il paraît que comme le mot est francisé, on doit écrire concertos) : le Printemps, l'Été, l'Automne et l'Hiver.

Le concerto est une composition musicale pour un ou plusieurs instruments solistes dialoguant avec un orchestre, généralement en trois mouvements (un rapide, un lent, un rapide), ce qui est le cas ici (nous n'avons joué que le premier mouvement du Printemps). Le terme concerto fut utilisé pour la première fois en Italie au XVIe siècle, mais ne devint courant qu'aux environs de 1600, à l'aube de l'époque baroque.

Ces quatre concertos sont accompagnés de quatre sonnets (qui ne sont pas chantés en même temps que la musique), mais Vivaldi a indiqué sur la partition la correspondance avec les paroles des sonnets, ce qui peut donner une bonne indication de la façon de l'interpréter, par exemple pour les oiseaux. Voici les vers correspondant au premier allegro du Printemps :

Voici le Printemps, 
Que les oiseaux saluent d'un chant joyeux. 
Et les fontaines, au souffle des zéphyrs, 
Jaillissent en un doux murmure. 
Ils viennent, couvrant l'air d'un manteau noir, 
Le tonnerre et l'éclair messagers de l'orage. 
Enfin, le calme revenu, les oisillons 
Reprennent leur chant mélodieux.


Place maintenant à la musique, et écoutons ce fameux Printemps. Il y a évidemment des tonnes d'interprétations des Quatre Saisons, notamment par des ensembles à cordes puisque il s'agit des instruments d'origine. Je ne vous en mets qu'une seule pour la version originale du Printemps. Si vous en voulez davantage, ce n'est pas difficile à trouver.

Voici donc Nemanja Radulovic et l'ensemble Double Sens, avec une intro bien sympathique que je vous laisse découvrir :



Ces concertos ont donné lieu à divers arrangements et réécritures. Voici ce qu'en a fait Nicolas Chédeville (1705-1782) avec ses Saisons Amusantes, interprétées ici par Dorothée Oberlinger (ça faisait longtemps !) et l'ensemble 1700 :



Une version 100% flûte à bec par Lucie Horsch (qui mérite un article). Il s'agit d'un arrangement de Jean-Jacques Rousseau (qui n'était pas seulement écrivain, mais aussi musicien bien qu'un peu refoulé) pour flûte solo (probablement plutôt traversière au départ).



Comme je suis en quelque sorte tombée amoureuse de l'ensemble Voices of Music de San Francisco, je ne résiste pas à l'envie de vous faire écouter leur Hiver et leur Été (je n'ai malheureusement pas trouvé leur Printemps, et Hanneke van Proosdij n'est toujours pas à la flûte à bec) :




En 2012, le compositeur germano-brittanique "post-minimaliste" Max Richter a écrit un "Recomposed by Max Richter - Vivaldi - The four Seasons". Voici son Printemps (on reconnaît à peu près tout mais bien mélangé) :


Je préfère en fait son Été :

4 commentaires:

  1. Ce nouveau article est très dense. Je vais progressivement écouter les morceaux proposés .
    Mais j'ai une question à vous poser. De qu'elle flûte jouez vous: soprano ou alto? Ma question va peut-être stupide....
    Cela dit être très agréable de jouer au sein d'une petite formation (petite par le nombre d'instruments bien évidemment!)

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  2. Il n'y a pas de question stupide.
    En l'occurrence je jouais ce Printemps à l'alto, je joue aussi couramment de la soprano, et plus occasionnellement de la ténor et de la sopranino. Pas de basse malheureusement, j'aimerais tenter mais vu le prix de l'instrument et l'usage que je pourrais en faire (sans compter la lecture en clé de fa...), je remets à plus tard.

    Oui, jouer en formation de musique de chambre est très différent de l'orchestre. Toutes les voix sont "uniques" et ont à peu près la même importance, même si ici il y a quand même un violon soliste... et on vous entend beaucoup mieux !

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  3. Merci pour ce billet magnifique. Tellement agréable à entendre et j'ai bien apprécié les deux oiseaux qui se répondent! :)

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  4. Merci Milly ! Hormis cette intro amusante, quand on joue la pièce on s'amuse aussi à se répondre entre violon-oiseau et flûte-oiseau :-)

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