mercredi 13 juillet 2022

Ténor Mollenhauer Canta : essayée et approuvée

Je ne disposais jusqu'à il y a quelques mois en guise de flûte à bec ténor que de la plastique de Yamaha, au son de laquelle je n'avais rien à redire, mais qui n'était pas très adaptée à mes petits doigts : comme elle est un peu lourde, le plastique lisse avait tendance à glisser, et j'avais du mal à manipuler correctement la clé du Fa. Je reculais devant la dépense depuis déjà plusieurs années, mais devant participer à un spectacle associant des extraits de pièces de Molière (pour son 400ème anniversaire) et de la musique de Lully, exclusivement à la ténor, j'y ai vu comme un signe. Je ne me voyais pas du tout jouer tous ces morceaux à la suite avec ma flûte en plastique.

S'est donc posée la question du choix, avec trois critères essentiels : le prix, qui devait rester modeste, la forme que je voulais droite et non coudée (c'est bon pour les basses, ça) et l'absence de clé. Je déteste ces clés qui viennent s'interposer entre mon instrument et moi (bien sûr au-delà d'une certaine taille ça devient difficile de s'en passer, mais pour la ténor, ça va encore). Il me paraissait malheureusement difficile d'essayer plein de flûtes pour une raison que je n'ai sans doute pas besoin d'exposer. Je pense qu'il doit être possible de prendre rendez-vous dans un magasin de musique pour essayer des flûtes qui suivront ensuite un strict protocole de désinfection, mais ne sachant pas combien j'aurais envie d'en essayer, je trouvais ça un peu gênant. De toutes façons l'une des candidates (et future élue, c'est dans le titre) n'était pas disponible à Woodbrass Paris.

J'avais essayé aux ORDA d'Amsterdam une ténor de la gamme Waldorf de Mollenhauer, en poirier, que j'avais beaucoup aimée. Mais elle est vraiment trop moche, je sais que c'est pas bien de s'attacher à l'apparence et que c'est le fond qui compte, mais déjà qu'on a du mal à être pris au sérieux, se produire en concert avec cette pauvre chose était au dessus de mes forces. J'avais essayé aussi la grande sœur de ma soprano, la Kynseker (toujours de chez Mollenhauer), mais je ne l'avais pas du tout aimée alors que la petite me donne toute satisfaction. Tant mieux d'ailleurs, elle était hors budget. Les deux specimens en short list étaient donc la Mollenhauer Canta, en poirier aussi, et la Moeck Rondo, en érable, toutes les deux dans la même gamme de prix. Comme j'ai tendance à préférer le bois fruitier et que j'ai un petit préjugé en faveur de Mollenhauer, j'ai commandé chez Thomann (je préfère commander en France si je peux mais elle était aussi indisponible sur le site de Woodbrass) la Canta pour la modique somme de 325€ (elle est montée à 345€ depuis). J'avais une petite crainte concernant la possibilité d'accéder aux trous du Fa sans clé, mais on peut toujours renvoyer un instrument s'il ne convient pas.

Après sept mois d'utilisation incluant le concert pré-cité et sa préparation, je ne regrette absolument pas ce choix. Elle me convient à tous les points de vue : le son est vraiment bon, les notes aiguës sortent sans forcer, les graves sont faciles aussi, elle est super agréable en main. Elle est aussi lourde que la Yamaha plastique et les trous sont globalement positionnés de la même façon, mais il m'est pourtant plus facile d'accéder au Fa. Elle convient très bien à la musique baroque mais je l'ai aussi utilisée en quatuor (deux flûtes à bec, deux violoncelles) sur des danses Renaissance et c'était très bien aussi. Elle a d'ailleurs un look plutôt passe-partout. En résumé : excellent rapport qualité/prix (je ne suis pas sponsorisée par Mollenhauer ni par personne d'autre).


src: wikipédia
Comme on ne va quand même pas se quitter sans musique, voici un échantillon des pièces jouées lors du spectacle Molière / Lully. Elles étaient presque toutes issues de la musique du Bourgeois Gentilhomme sauf la Passacaille d'Armide (qui est trop belle). On était trois flûtistes à bec (soprano/alto, ténor et basse) et pour une fois il n'y avait pas des tonnes de cordes pour nous écraser et on nous entendait bien. Ce ne sera pas le cas dans les vidéos ci-dessous mais c'est beau quand même.


Le Bourgeois Gentilhomme (1670), fruit de la collaboration entre Molière et Lully, est une comédie-ballet, œuvre qui mêle théâtre, musique et danse. La musique est intégrée à l’intrigue théâtrale. Dans cette pièce bien connue, Molière se moque de la prétention et de la bêtise du bourgeois, Monsieur Jourdain,  ridicule à force de vouloir copier les « gens de qualité ». Cléonte, qui veut épouser sa fille, se déguise et se présente comme le fils du Grand Turc. La Marche pour la Cérémonie des Turcs accompagne le couronnement du Bourgeois en Mamamouchi, titre de noblesse qui le flatte mais n'est qu'une farce où les complices de Cléonte sont grimés et parlent une langue inventée. On a vraiment l'impression d'être à Versailles à l'écoute de cette pièce (c'est d'ailleurs aussi l'avis de mes collègues de travail à chaque fois que mon téléphone sonne).

(Dites-moi si je me trompe, mais ne serait-ce point Sébastien Marcq à la sopranino ?)
(C'est Emmanuelle Haïm qui dirige, je suppose donc que l'ensemble est le Concert d'Astrée)


Écoutons ensuite la Chaconne des Scaramouches. La chaconne est issue d'une danse populaire au XVIe siècle (espagnole ? portugaise ?), à trois temps, plutôt animée. Elle devient à l'époque baroque une danse de cour au tempo plutôt lent, sur une basse obstinée



Pour finir, la seule pièce qui ne soit pas extraite du Bourgeois Gentilhomme, mais de la tragédie en musique Armide de Lully : sa très connue Passacaille. La passacaille est aussi une danse lente à trois temps sur une basse obstinée,  issue d'une danse originaire d'Inde importée à la Renaissance par les marins. Elle finit au fil du temps par se confondre avec la chaconne. Lors du concert, un petit passage était joué uniquement par les trois flûtes à bec, comme dans la vidéo (à 1:05). L'ensemble est La Petite Bande, mais je n'ai pas réussi à savoir qui est le flûtiste à bec.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire